Lettre d’un étudiant d’AgroParisTech à la présidente de l’association AgroIsraël

Publiée sur le site de l’AURDIP, Association Universitaire pour le Respect du Droit International en Palestine

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Sur les voyages organisés par la fondation France Israël pour les étudiants d’AgroParisTech

27 juin |Tribunes

Lettre envoyée en avril 2016 par un étudiant d’AgroParisTech à la présidente de l’association étudiante AgroIsrael, lors d’un débat sur les voyages organisés en lien avec la fondation France Israël [1], sur listes électroniques entre étudiants de cette école.

Chère madame la Présidente d’AgroIsraël,

Comme beaucoup de destinataires de cette lettre, j’ai lu avec intérêt les échanges sur les voyages organisés par la fondation France Israël à la gloire des technologies israéliennes dans le domaine agricole et plus particulièrement dans celles de la gestion de l’eau.

Je voudrais d’abord fait remarquer que dans vos deux messages répondant respectivement à Mme XX et à MM. YY et ZZ, vous avez apporté la preuve de l’inexistence du caractère soi-disant « apolitique » de votre association, en y mêlant des considérations sur les actes désespérés de l’Intifada des enfants ou sur l’organisation Hamas. En faisant cela, vous avez montré que vos yeux de Chimène ne portent que sur le secteur colonial israélien et que vous n’avez que dénigrement pour le secteur palestinien. On est loin d’une quelconque objectivité.

En effet, pour les lecteurs de cette lettre, il est indispensable de rappeler que sur le territoire de la Palestine historique, il y a un nombre égal d’habitants d’origine coloniale (en majorité juifs) et d’origine autochtone, les Palestiniens : 6 millions et 6 millions.

Il est aussi utile de savoir que malgré une ségrégation quasi parfaite, les communautés juives et palestiniennes forment un patchwork, aussi bien dans l’Israël officiel que dans les territoires palestiniens occupés.

Vous justifiez les voyages par la haute technologie de la gestion de l’eau par Israël : le goutte-à-goutte, le dessalement de l’eau de mer, le recyclage des eaux usées. Aucune de ces technologies n’est particulière à Israël, par contre ce qui est particulier à Israël, c’est que ces technologies à haut niveau d’investissement et de fonctionnement ont été développées au bénéfice exclusif de la population d’origine coloniale. Pour ne citer qu’un exemple, les réservoirs constitués d’eau recyclée situés autour de la ville de Beersheba sont à l’usage exclusif des kibboutz et moshavs environnants, alors que près de 100 000 Bédouins vivent dans la région dans des villages « non reconnus » ne bénéficiant d’aucun service, et qui sont même absents sur les cartes israéliennes.

Les voyages d’AgroIsraël comprennent-ils des visites dans ces villages ? Permettent-ils de voir en quoi consiste la gestion intelligente de l’eau par les colonies de Cisjordanie qui rejettent leurs effluents non traités sur les villages palestiniens en contrebas ? Je pourrais multiplier les exemples.

Mais voyons les choses sous un angle plus large.

Israël est un leader incontesté de l’innovation. Et sa plus belle réalisation, son tour de force est surtout d’avoir su obtenir le contrôle exclusif de la ressource. Cela permet quand même de distribuer 65 % des eaux du Jourdain et 80 % des eaux souterraines de Cisjordanie aux Israéliens et ainsi participer à l’essor de leur industrie. L’occupation du Golan syrien et de la vallée inférieure du Jourdain depuis 1967 lui a permis de prendre le contrôle intégral des eaux de ces régions, empêchant tout développement de l’agriculture pour les Palestiniens. Seules environ 7 % des terres cultivées en Cisjordanie sont irriguées, en revanche l’eau ne manque pas pour les palmeraies productrices des dattes Medjoul produites dans la vallée du Jourdain avec l’aide de la main d’œuvre palestinienne payée misérablement.

Les voyages d’AgroIsraël comprennent-t-ils une présentation exhaustive du vol des eaux et des terres palestiniennes ? Parlent-t-ils de la surexploitation de l’aquifère occidental par cette merveilleuse agriculture israélienne, qui a conduit à l’infiltration d’eau de mer et au fait qu’à Gaza, l’eau a dépassé depuis longtemps les normes de salinité admises ? Je gage qu’il n’en est pas question, les victimes sont palestiniennes, et les six millions de palestiniens sur la terre de Palestine, sans même parler des six millions qu’Israël a chassés, soit ça n’existe pas, soit ce sont des terroristes.

Malheureusement pour vous, il est de plus en plus difficile de vendre ce genre de coopération avec l’État colonial israélien et ses institutions, malgré toutes vos tentatives de les faire passer pour « propres sur leur personne ».

Un mouvement est apparu et il prend de plus en plus d’ampleur. Il s’appelle « « Boycott – Désinvestissement – Sanctions » et de nombreuses organisations citoyennes, académiques, politiques et artistiques ne cessent de le rejoindre sur des bases éthiques, rendez-vous sur :https://bdsmovement.net/ et : http://www.bdsfrance.org/

Je crois avoir compris que les revendications officielles de ce mouvement « BDS » sont :

  • le respect des droits de l’homme, le principe « un homme = une voix »,
  • le respect du droit international, c’est-à-dire du droit au retour des réfugiés palestiniens – résolution 194 de l’ONU –, du droit à l’égalité pour les 1,5 millions de palestiniens d’Israël, de la fin de l’occupation militaire et de la colonisation des territoires occupés depuis 1967.

L’AURDIP « Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine » est le volet universitaire de ce mouvement.

En outre, le conseil scientifique de l’INRA a déjà dénoncé en 2014 la convention de contrats de licence ENTAV-INRA® pour des plants de vigne, signée en 2008 avec l’entreprise Golan Heights Winery située dans une colonie israélienne du Golan occupé en Syrie. Suite à quoi le président directeur général de ce même institut a annoncé qu’il en demandait la suspension. Cela a aussi donné suite au vote à la quasi-unanimité d’une motion du conseil scientifique sur les relations INRA-Israël allant dans le sens des lignes directrices de l’UE (juillet 2013) et l’avis du ministère des affaires étrangères français (24 juin 2014).

Qui a pu oublier que l’Afrique du Sud de l’Apartheid, comme Israël aujourd’hui, a développé des recherches de pointe en agronomie avant d’être boycotté ?

La neutralité n’existe pas et l’indifférence tue

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