Lettre ouverte à Mme Anne Hidalgo et aux élus de la Ville de Paris

Paris, le 31 Mai 2016 Objet : Déclarer la Ville de Paris Hors CETA et TAFTA
Mesdames, Messieurs, les élus du Conseil de Paris, Comme vous le savez, deux traités de libre-échange transatlantiques pourraient lier l’Union européenne au Canada et aux États-Unis: respectivement le CETA, déjà négocié, et qui sera soumis pour ratification au Conseil européen à l’automne, et le TAFTA, en cours de négociation. L’extrême opacité autour des négociations des deux projets d’accords est un premier déni de démocratie, excluant la voix de la société civile et des Parlements. Dans le cas du TAFTA, ce n’est que le vendredi 10 octobre 2014, sous la pression de la société civile, que la Commission européenne a daigné rendre public son mandat de négociation. Plus récemment, début mai 2016, c’est une fuite massive des deux tiers des textes du TAFTA qui a permis de confirmer les craintes exposées depuis près de trois années par des centaines d’organisations citoyennes, ainsi que des millions de pétitionnaires. Ces deux traités prévoient d’accroître les échanges commerciaux entre l’UE et le Canada, ou les États-Unis, en abolissant progressivement les « barrières » au commerce et à l’investissement. Il s’agit, d’une part, de supprimer les droits de douane restant, notamment dans les secteurs encore protégés par la France et l’UE telle que l’agriculture, qui devra alors faire face à une concurrence supplémentaire extracommunautaire. D’autre part, le CETA et le TAFTA prévoient d’éliminer les différences réglementaires entre les parties signataires. Plus précisément, il s’agit de modifier le contenu de nos lois et normes sociales, sanitaires ou environnementales, en y intégrant les intérêts des multinationales. Cela aboutira à une harmonisation par le bas de ces normes et permettra, entre autres exemples, l’importation de produits de cultures et élevages OGM 1– d’autant que jamais dans les textes le principe de précaution n’est explicitement cité –, des énergies fossiles parmi les plus polluantes (gaz de schiste, pétrole issu des sables bitumineux). Si l’on ajoute à cela l’augmentation des transports entraînée par des échanges plus nombreux, l’impact environnemental de ces deux traités sera dramatique, et contraire en tout point aux engagements de la COP21. Les multinationales seront habilitées à remettre en cause directement nos normes et nos lois à travers deux principaux mécanismes introduits par le CETA comme le TAFTA : la « coopération réglementaire » et l’arbitrage d’investissement, ou règlement des différends investisseurs-État – mieux connus sous le sigle « ISDS ». En effet, ces accords instituent des instances d’arbitrage privées contournant les systèmes juridiques nationaux et de l’UE. Toute politique publique d’intérêt général pourra être dès lors attaquée devant ces instances sans aucune légitimité démocratique si elle est perçue par un investisseur états-unien ou canadien comme une limitation à ses profits actuels ou futurs. En outre, les organes de coopération réglementaire feront des traités transatlantiques des « accords vivants », développés de manière opaque par des instances non-élues et les représentants des intérêts économiques privés. Ces structures non-démocratiques octroieront aux multinationales le droit d’amender toute proposition de loi, voire d’y opposer un véto, avant même son examen par les Parlements européen et nationaux. Les collectivités territoriales sont bien évidemment concernées, puisque les obligations de l’Accord « engageront tous les niveaux de gouvernement », à savoir l’État, les régions, les départements, et les communes. Les communes sont également affectées par les dispositions relatives aux marchés publics, où tous les aspects d’un appel d’offre sont visés : des critères de localisation (ex : exiger que l’approvisionnement des cantines scolaires provienne de producteurs locaux) seront considérés comme ayant « un impact négatif » sur l’accès aux marchés publics. Ceux-ci seront ouverts aux entreprises nord-américaines au détriment des entreprises européennes ou françaises, et a fortiori à celles de la commune ou de la région. Soulignons enfin l’impossibilité de fait du retour en gestion publique de services auparavant privatisés voire concédés (les régies d’eau en étant un très bon exemple). Via ces accords, les États membres prendront en effet des engagements d’ouverture à la concurrence de services publics, qui ne pourront plus être remis en question par la suite, du fait de la clause dite « cliquet ». Il est donc clair que ces accords transatlantiques constituent une menace grave pour la capacité des collectivités territoriales à mener les politiques publiques de leur choix. C’est pourquoi le Pôle CETA/TAFTA de Nuit Debout Paris vous demande de déclarer Paris ville Hors CETA/TAFTA. Nous insistons sur le CETA, car ce traité avec le Canada, outre ses similitudes avec le TAFTA, constitue un véritable marchepied pour le TAFTA, de par l’imbrication des économies canadienne et états-unienne, et permettra ainsi aux entreprises américaines de se saisir des outils mis à disposition du CETA (arbitrage d’investissement, coopération réglementaire) pour s’attaquer aux lois et normes de la France et de l’UE. Depuis avril 2014, plus de 1800 collectivités territoriales européennes ont adopté un vœu en conseil municipal, général, régional, pour se déclarer « Hors CETA/TAFTA ». Parmi ces collectivités figurent de grandes métropoles telles que Madrid, Amsterdam, Vienne, Bristol, Birmingham, Cologne ou encore Barcelone. Si cette déclaration est bien sûr symbolique, elle n’en est pas moins un acte hautement politique. Dans un contexte d’opposition croissante à ces traités, la déclaration de Paris en tant que ville hors CETA/TAFTA constituerait un signal fort envoyé aux gouvernements, afin de mettre un terme aux deux projets d’accords. Enfin, cette déclaration conforterait la légitimité et la crédibilité de la capitale française qui a accueilli 150 chefs d’États venus à l’occasion de la COP21 pour parvenir à l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique le 12 décembre 2015. L’impact environnemental que représenteraient les CETA et TAFTA serait un recul notoire sur nos engagements climatiques. Déterminé à lutter contre ces accords transatlantiques, le Pôle CETA/TAFTA Nuit Debout Paris se tient à votre disposition pour collaborer et vous transmettre toute information qui vous serait nécessaire.
Dans l’attente de la déclaration de Paris ville Hors CETA/TAFTA, Cordialement,
Le Pôle CETA/TAFTA Nuit Debout Paris.
Classé dans Économie politique , Prises de position

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