«Après la démocratie» est le titre choisi par Ralf Dahrendorf, il y a quelques années, pour diagnostiquer la perte de confiance entre le peuple et les élites qui gouvernent en son nom. En suivant les débats autour de «Nuit Debout», je suis au contraire frappé par le retour d’un questionnement d’«avant la démocratie»: le peuple, en quête d’une dignité perdue, peut-il changer la société autrement que par la conquête du pouvoir politique?
Le long débat qui a précédé à Genève la mise en place de la démocratie moderne fournit un exemple frappant de cette problématique. Rousseau a tiré un immense parti du laboratoire que constituait la minuscule République; on peut encore en profiter aujourd’hui. Plutôt que, faute d’avenir, mettre en avant un passé idéalisé, nous devrions regarder de plus près notre passé réel.
Pendant tout le XVIIIe siècle et encore sous la Restauration, les revendications populaires genevoises visent avant tout le respect d’une certaine dignité humaine. Les citoyens, dont les Edits politiques de Calvin avaient reconnu la souveraineté, entendent ne pas être traités comme quantité négligeable. S’ils contestent le pouvoir exorbitant que les familles patriciennes se sont octroyées, c’est moins pour le leur retirer que pour exiger d’être pris en considération.
Défiance vis-à-vis du processus électoral
En 1707, le Syndic Chouet déclare le gouvernement de Genève «purement démocratique» puisque fondé sur la souveraineté du peuple, mais Pierre Fatio lui rétorque qu’«un souverain qui ne fait jamais acte de souveraineté est un être imaginaire, chimérique et métaphysique». La discussion sur la nature et les limites de la souveraineté populaire, ainsi lancée, ne cessera plus.
Elle s’accompagne d’une défiance vis-à-vis du processus électoral. Comme dit Rousseau, «limités dans vos élections à une petit nombre d’hommes, tous dans les mêmes principes et tous animés du même intérêt, vous faites avec un grand appareil un choix de peu d’importance.». Sous la Restauration, le gouvernement a beau élargir le cercle des électeurs potentiels, le taux des abstentions (jusqu’à plus de 80%) diminue le très faible nombre de ceux qui participent effectivement aux scrutins.
Après 1847, la naissance d’une démocratie moderne ne fait pas taire les critiques: Frédéric Bordier dénonce ceux qui la réduisent au rôle d’une «machine à voter» pour arriver à leurs fins…
Conflit jamais résolu entre le peuple et les élites
Entre le peuple, qui entend faire reconnaître sa dignité et sa souveraineté, et l’élite politique, qui se voit comme une méritocratie seule capable de définir l’intérêt public au nom duquel elle assume le pouvoir, le conflit n’est jamais résolu. Rousseau encore: «Ces deux volontés quelquefois s’accordent et quelquefois se combattent. C’est de l’effet combiné de ce concours et de ce conflit que résulte le jeu de toute la machine».
Les questions qui se posent à nous aujourd’hui sont inhérentes à l’histoire de la démocratie et de la souveraineté populaire.
Ce qui est neuf, c’est la globalisation de la problématique, la chambre de résonance dont elle dispose à travers les réseaux sociaux, et la force des mouvements populaires ou populistes, à gauche comme à droite, qui prétendent rendre au peuple la voix que les élites lui ont confisquée.
L’Europe entière et les Etats-Unis sont concernés de la même manière, notre démocratie semi-directe autant que les démocraties représentatives. L’abus du droit d’initiative dénoncé par François Cherix, s’alimente à la même source que la perte de crédit des partis traditionnels, de moins en moins reliés à leurs bases en voie de disparition.
Aveuglement des élites
Aucune réponse simple n’est à disposition, mais ce qui est en jeu, c’est la capacité des élites à comprendre les inquiétudes du peuple face à un avenir incertain et à ce qui lui apparaît comme une absence de perspectives.
Albert Gallatin, patricien genevois devenu l’un des premiers hommes d’état des Etats-Unis, le faisait remarquer en 1842 à l’un de ses cousins horrifié par la révolution radicale, «on est en général trop effrayé des innovations qu’amènent l’opinion publique et l’esprit du siècle. Il faut apprendre l’art difficile, mais partout nécessaire, de diriger dans le sens convenable, plutôt que chercher à comprimer, le formidable élément populaire.»
Force est malheureusement de constater que nos élites, dans le passé, ont fait preuve d’une extraordinaire surdité face aux revendications populaires et se sont fiées jusqu’à l’aveuglement à des soutiens dont il aurait été à leur portée de prédire l’effondrement.
Nous ne sommes pas prisonniers de l’histoire, dont l’interprétation est sujette à caution, mais n’ignorons pas pour autant les leçons qu’elle pourrait bien comporter.
Bonjour à vous, les autres.. Comme toujours, rien de nouveau sous le soleil; les « élites » médiocres, bornées, buttées ne sont pas prêtes à nous écouter, ne parlons pas de nous entendre.. Cela, même les pierres le savent.. Les « élites » ne comprennent que le « rentre dedans »; ben il faut passer de la parole aux actes, légalement mais fermement. La bête à faciès humain, versus les « élites », est dépourvue des moyens intellectuels d’appréhender un langage sensé; donc, il faut faire masse, la cerner de très près, et la pousser « au cul ». Seule la manière forte est à la portée de sa cervelle reptilienne; désolé d’être si abrupt, mais, Mère Nature ne lui a pas doté de cette fluide incapacité d’entraver un autre langage.. L’actualité abonde de preuves patentes des carences de ces soit-disant « élites ».. Agissons solidairement et faisons barrage aux ambitions pathologiques de la bête malfaisante.. « Et cependant, Elle tourne.. » Salutations debout..
Tout cela se base sur une vision erronée de l’être humain qui n’est pas un individu lambda dans la société, mais une partie de la société, qui existe en même temps qu’elle. La société est issue de la culture gréco-romaine basée sur la guerre, puis au sein de sociétés complexes, sur les luttes sociales entre ses groupes sociaux. La démocratie se base sur ce principe. Pour changer de société, il y a alors deux possibilités. La première est d’inventer une idéologie et de l’imposer par la force, donc de faire la guerre, mais en faisant cela nous ne faisons que continuer dans le même sens, nous changeons simplement les élites. La seconde est d’inventer quelque chose de nouveaux et la seule possibilité offerte est de ne pas baser la société sur la guerre. Pour cela, il faut changer les schèmes de pensées des individus, pas les autres (les élites, eux mais pas nous), mais vous, moi, tout le monde. Il faut donc comprendre que Aristote, Rousseau, Descartes, Spinoza… basaient leurs pensées sur des schèmes qui sont ceux de notre culture, qui nous laissent accroire que l’individu dispose d’un libre-arbitre, qu’il est donc responsable de ce qu’il fait, alors que c’est la société qui lui enseigne que la seule solution à nos problèmes est de faire la guerre pour imposer sa raison. En comprenant que les choses n’existent pas indépendamment de nous, mais en même temps que nous, nous pourrions envisager une société qui soit solidaire et pas totalitaire, qui ne soit pas basée sur les systèmes politiques connus. Aussi, je vous invite à lire la philosophie du mouvement disponible en PDF gratuit sur mon site. En partageant ce principe, nous pourrions découvrir d’autres alternatives. Mais, il faut aussi comprendre que la société est « figée » par nos modes de pensées, elle ne peut donc changer du jour au lendemain.
Spinoza savait que l’homme ne dispose pas d’un libre arbitre ! C’est même l’un des fondements de sa pensée. Est-ce ce qui vous anime aussi, ce qui selon vous, permettrait un changement de société ?