L’abus de pouvoir policier : une sociologie

Avec une enquête qui tombe à point nommé, le sociologue Cédric Moreau de Bellaing tente de saisir pourquoi les violences policières sont si peu sanctionnées, au regard d’autres types de dévoiements de la fonction policière.

[NDLR : A écouter sur France Culture]

Jeudi, des parents d’élèves s’étaient rassemblés devant l’entrée du Collège Surcouf de Saint-Malo pour protester contre la fermeture annoncée de cet établissement. Appelées par le recteur d’académie, les forces de l’ordre sont intervenues pour les déloger, blessant du même coup une dizaine collégiens dont trois furent hospitalisés suite à des fractures et luxations. Interpellé par le maire de la ville, le préfet a déclaré que l’usage de la force avait été « strictement proportionné aux circonstances ». Prenant connaissance de ces faits choquants, on se surprend immédiatement à se demander si les choses se seraient passées différemment si cet événement ne prenait pas place dans une séquence qui voit se multiplier depuis plusieurs semaines les incidents, parfois graves, provoqués par les forces de police lors d’opération de maintien de l’ordre. On pense ainsi à ce qui s’est passé non loin de Saint-Malo, ce même jeudi : à Rennes, où la police a cru bon mener la charge en voiture et à vive allure contre des manifestants tentant de bloquer la rocade, à Rennes où des journalistes, portant des casques estampillés presse, ont été sciemment frappés à coups de matraque. On pense aussi bien sûr à Romain D., jeune homme de 28 ans, dans le coma depuis le jeudi précédent, le 26 mai, après avoir été atteint à la tempe par l’un des galets de plastique que contient une grenade de désencerclement lancée par un policier d’une compagnie d’intervention de la Préfecture de police de Paris, ainsi que l’établit le journal Le Monde dans son édition du 2 juin. Face à ces faits, récemment recensés par Mediapart qui dénombre des dizaines de manifestants blessés par les forces de l’ordre depuis deux mois et demi et le début de la mobilisation contre la loi Travail, on se surprend à tendre l’oreille pour entendre l’écho de cette phrase prononcée par le Premier ministre, Manuel Valls le 19 mai sur RTL : «Il n’y a aucune consigne de retenue, aucune consigne de ne pas interpeller, aucune consigne de ne pas aller jusqu’au bout pour ne pas appréhender les casseurs ». L’absence revendiquée de retenue pour la police, voilà ce qui nous occupera aujourd’hui à La Suite dans les Idées, en compagnie du Cédric Moreau de Bellaing, auteur de Force publique, une enquête magistrale de retenue sociologique sur les violences policières. Sylvain Bourmeau

Intervenants :

  • Cédric Moreau de Bellaing : sociologue
  • Sylvain Bourmeau : Producteur de « La Suite dans les idées » sur France culture et professeur associé à l’EHESS

Source: L’abus de pouvoir policier : une sociologie

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2 réponses à “L’abus de pouvoir policier : une sociologie

  1. Les violences ne sont pas d’abord policières, il faudrait plutôt les qualifier de violences d’Etat, ou « les violences ordonnées/couvertes par le gouvernement ». Ce n’est pas une dérive (ou juste les dérapages de quelques policiers fatigués ou haineux), c’est « normal » et inévitable dans un régime non-démocratique tel que la France. Une non-démocratie ne peut gouverner que par la force et la terreur, que ce soit en dictature ou en « démocrature » (comme ici). De même que le chômage de masse n’est pas un accident de parcours, c’est le fonctionnement « normal » et inévitable du capitalisme.
    Pour aller plus loin : Quand les violences de l’Etat révèlent l’absence de démocratie en France :
    https://gazettedebout.org/2016/06/06/quand-les-violences-de-letat-revelent-labsence-de-democratie-en-france/
    Au lieu de juste regarder le gant armé (les polices) regardons la main qui est dedans, et le cerveau qui la gouverne…

    1. Exact, mais une démocratie est un système politique basé sur le pouvoir, ainsi nous faisons la guerre avec les autres démocraties et nous réprimons ceux qui ne respectent pas les règles au sein de la nôtre. Le problème de la France n’est pas qu’elle n’est pas démocratique (ce qui pourrait signifier que le pouvoir n’est pas celui que vous voudriez), mais que c’est une démocratie, donc un système basé sur le pouvoir.

      Il faut chercher ailleurs :-).

      Et dans cette attente, la question de savoir si ces répressions sont justifiées est légitime.

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