« Debout l’Ecole » : indignons-nous avec la commission « Education » de Nuit Debout

Début mai, les Journées de la Refondation de l’École se sont déroulées à Paris en présence de trois ministres pour faire le bilan du grand projet du  quinquennat, la « refondation de l’école ». Sous la sémantique grandiloquente, et même si quelques chantiers pertinents ont été posés sinon entrouverts (la notation scolaire, la carte scolaire, le projet, la pluridisciplinarité…), les réponses politiques déçoivent.

Dès le début du quinquennat, une concertation de grande ampleur avec les professionnels de l’éducation, les chercheurs, les syndicats s’était engagée pour accoucher… d’une souris. Aucune mise en question de fond d’une forme scolaire obsolète et inégalitaire. Il est vrai qu’une certaine nostalgie réactionnaire collective autour d’une école de la république intégratrice, qui n’a jamais existé, rendrait ses mesures impopulaires auprès de ceux qui ne parient pas pour l’éducabilité de tous les enfants.

Le défaut de réflexion pédagogique

Contrairement à ce qui est souvent reprochée à la gauche, c’est bien encore le défaut de réflexion pédagogique qui obère toute « refondation » qui doit nécessairement interroger la fonction politique de l’école. Sur le versant de la restauration, nous voilà en quête d’un retour aux fondamentaux, à un socle commun de connaissances pour tous, qui garde à la disposition des esprits éclairés les savoirs plus exigeants et plus subtils.

Revenons aussi aux sanctions, rappelons à la loi, pour réguler une génération cocoonée dans un environnement en crise : éduquons au respect, à la morale, et à la citoyenneté, aux droits et aux devoirs, dès le plus jeune âge. Et reprenons enfin la lecture syllabique qui a fait ses preuves depuis si longtemps pour promouvoir des cohortes entières vers la participation responsable à la construction de la République.

Exactement, au même moment paraît le manifeste de la commission éducation Nuit debout Paris « Debout l’École ! ». Un texte élaboré en groupe restreint puis débattu, amendé collectivement et qui a été enfin adopté le 4 mai. Depuis ce vote, les discussions collectives du « mouvement » se multiplient autour de la question scolaire, question sociale du XXIème siècle. Ouvrent-elles des interrogations légitimes pour construire l’école de demain ?

Une école en souffrance

La question scolaire interroge qui peut participer de notre société en train de s’élaborer et qui ne peut y prétendre. L’école ne se borne pas à reproduire les inégalités sociales, elle les accentue et cela interpelle notre idéal collectif d’égalité des chances en y substituant parfois des formes plus ou moins efficaces de gestion sociale de l’exclusion. Le manifeste débute par ce constat sévère mais attesté par la recherche.

« Le système éducatif français est à l’image de la société qui l’a construit : violent et inégalitaire. Inégalitaire car il ne se contente pas de refléter les inégalités sociales existantes mais les perpétue et les aggrave. Violent car cette reproduction, le tri et le dressage qu’elle opère, sont oppressifs pour les élèves de la maternelle à l’université ».

Les propositions du manifeste pourront irriter mais elles sont nécessaires : faire du bien-être des élèves une priorité, affirmer notre conviction que les élèves sont tous et toutes également capables de tout., remettre en cause le modèle des filières au notamment des trois voies du lycée et des classes préparatoire, mettre en œuvre une véritable politique d’éducation prioritaire, penser toutes les discriminations (sociales certes, mais aussi genrées, ethniques , liées aux handicaps, à l’orientation sexuelle) penser les identités multiples des élèves, penser la laïcité autant que les usages stigmatisant du principe de laïcité à des fins d’ordre social, questionner le système hiérarchique de l’organisation scolaire, assurer une véritable formation, initiale et continue, des professeurs, tout en luttant contre les contrats précaires de certains professionnels  de l’école.

La forme scolaire est questionnée comme jamais

Ces  propositions sont salutaires et méritent le débat. Tous les travaux ses sciences humaines et sociales, celles qui n’excusent pas mais permettent de mettre du sens montrent que la souffrance scolaire ordinaire, de plus en plus prégnante à l’école (celle des élèves autant que des enseignants), est le terreau de la violence et de l’affermissent des modes d’emprise. Avec la montée du chômage de masse des jeunes générations, jamais l’angoisse face au diplôme et la demande d’école n’ont été aussi fortes.

De fait, le système scolaire français est plus inégalitaire que les écoles des pays comparables : la corrélation entre milieu social d’appartenance et performances scolaires y est plus forte et les enfants issus de l’immigration ont deux fois plus de chance d’être en difficultés scolaires. L’école de l’égalité des chances n’a certes jamais été méritocratique mais  les discriminations sociales, culturelles et ethniques se doublent d’inégalités économiques croissantes produites par la marchandisation des savoirs et des formations.

En finir avec les notes, les classements, les filières, les redoublements, mais aussi recruter les enseignants autrement en faisant une place aux savoirs non disciplinaires, former les enseignants autrement, instaurer le lycée unique, ouvrir l’école aux parents, au chercheurs et aux artistes, mettre en œuvre des projets collectifs, lutter contre les discriminations dans et par l’école affronter le racisme institutionnel de l’Ecole, repenser le lieu scolaire, enseigner les sciences sociales à tous les élèves de manière à en faire des citoyens d’abord plutôt que des consommateurs et des travailleurs, mais aussi penser la fabrique du Commun par un récit qui fasse sens pour tous dans une société pluriculturelle, repenser la relation et le care, en finir avec la transmission verticale, penser la fin de l’’école traditionnelle, deghettoïser par l’école, créer un observatoire du vivre ensemble penser une laïcité d’inclusion, autant de propositions que nous suggérons dans la ligne d’Ecole debout.

Et les pédagogies ?

Paradoxalement, la pédagogie est le parent pauvre de l’école ! La question scolaire n’est pas seulement une question de moyens mais aussi et d’abord une question de pédagogies et Nuit Debout interroge des experts et de praticiens pour tirer partie des pédagogies nouvelles.

Par exemple, Sébastien Pesce, maître de conférences en Sciences de l’éducation à l’université de Tours, et Adrien Simiot de l’École de la Neuville, sont venus présenter la « pédagogie institutionnelle », un courant pédagogique, apparu il y a plus d’un demi-siècle repensant de manière radicale les institutions (l’école, mais aussi l’éducation spécialisée, la psychiatrie, l’intervention sociale et le monde du travail), et le rapport qu’entretiennent avec elles les acteurs sociaux, autour d’une question : comment rendre aux sujets leur pouvoir instituant ?

Sébastien Pesce témoigne :

« Je suis intervenu dans le cadre d’une série de rencontres organisées par la commission éducation, rencontres sur les pédagogiques alternatives : une première avec des collègues du mouvement Freinet, le 30 avril je crois, et le 4 mai cette séance sur la pédagogie institutionnelle, où étaient présents plusieurs anciens et actuels adultes et élèves de l’école de la Neuville.

Ces rencontres, plutôt que conférences (c’est l’intérêt de la chose : ce n’est pas frontal, les gens s’arrêtent pour discuter, écouter, poser des questions) me semblent bien aller dans le sens de nuit debout : un format qui remet tout le monde à sa place (assis par terre avec un mégaphone) et casse le magistral, un dispositif né d’une initiative qui se transforme très vite en évènements concrets (en quelques jours) avec un joli travail de communication Web. Ces rencontres sont organisées notamment par un adulte de la Neuville, Adrien Simiot   avec bien sûr d’autres membres de la commission éducation. »

Il nous faut en effet inventer les pédagogies qui ne laisseront aucun élève sur le bord de la route : les pédagogies nouvelles – déjà anciennes – ont tracé ont tracé la voie. Ne nous demandons pas pourquoi les parents démissionnent, mais comment restaurer la confiance avec les enseignants ! Ne cherchons pas des coupables à la souffrance professionnelle des enseignants, à celles des élèves mais trouvons les moyens pour recréer de la motivation ! Ne déplorons pas l’éternelle baisse du niveau, mais cherchons à mieux utiliser les accès inédits à la culture qu’offre le monde d’aujourd’hui.

Il s’agit aujourd’hui de penser enfin l’école à l’aune des mutations qui l’affectent : le tournant global, la tournant numérique, la fin de la « transmission », l’ère du savoir-relation, les inégalités et discriminations dans et par l’école. Indignons nous, mais pour exiger une nouvelle école !

Source: « Debout l’Ecole » : indignons-nous avec la commission « Education » de Nuit Debout – le Plus

 

Pour en savoir plus sur la commisison Éducation de Nuit Debout Paris :

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2 réponses à “« Debout l’Ecole » : indignons-nous avec la commission « Education » de Nuit Debout

  1. Heureusement que vous êtes là pour nous transmettre le discours unique et officiel du gouvernement et du fraîchement baptisé ESPE. Théories révolutionnaires, qui font leurs preuves depuis bientôt 50 ans! Pauvres ignorants… Petits imbéciles… Jean Jaurès se retourne dans sa tombe, Apple et McDonald’s se frottent les mains.

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