Source: Nuit Debout prend ses marques à Genève
A 17h, seuls dix à quinze curieux sont au rendez-vous, plaine de Plainpalais. Pas le moins du monde contrarié, Cemil, intermittent du spectacle de 29 ans, s’empare du mégaphone et commence à animer la place. «Nous sommes en direct sur Periscope!» (application qui permet de filmer en direct et diffuser sur internet, ndlr), lance le jeune militant, smartphone au poing. Au même moment ou presque, à Paris, près de 2000 personnes sont rassemblées, comme dans plusieurs villes autour du monde. A Genève, après quelques dizaines de minutes, l’attroupement a grossi et c’est bientôt une centaine de personnes qui écoute les explications de Cemil sur les codes de Nuit Debout: «Agiter les mains en l’air signifie que l’on est d’accord, faire la moulinette avec les bras que l’orateur se répète, les mains jointes au-dessus de la tête qu’il faut du calme…», détaille-t-il, gestes à l’appui, avant d’inviter l’assemblée à s’asseoir sur le sol.
«Nous avons oublié l’importance du vivre ensemble»
Nuit Debout, qui occupe la place de la République, à Paris, depuis un peu plus d’un mois, appelait ce dimanche à une action simultanée dans les villes du monde entier, en vue d’exporter le mouvement. Nom de l’événement. GlobalDebout. La date marquait également l’anniversaire du mouvement espagnol des indignés, le 15M. En Suisse, Genève, Zurich et Fribourg ont répondu présentes. A Plainpalais, chacun est invité à prendre la parole. «A force de sacrifier l’essentiel à l’urgence, on oublie l’urgence de l’essentiel, l’importance du vivre ensemble. Le moment est venu de récupérer notre démocratie, de reprendre le pouvoir», lance la première oratrice. «Il faut recréer des initiatives à taille humaine», propose une autre. «Je vous invite à vous révolter», clame un jeune homme un peu plus tard, alors que Cemil, constate: «Seul 1% de la population mondiale accumule l’essentiel des richesses, mais en fait, c’est nous qui sommes la richesse!» Latents, un désarroi face au système actuel, l’envie de recréer des solidarités, de chercher d’autres voies, ensemble. Plusieurs sont d’ailleurs déjà engagés dans les luttes: ici, un jeune représentant de solidaritéS invite à discuter de la troisième réforme de l’imposition des entreprises et à se joindre à No Bunkers ou au Collectif R. Là, une féministe appelle à participer à la Marche des salopes. Ici, une militante invite à voter contre les coupes budgétaires dans la culture à Genève, ou là encore un syndicaliste bien connu de la place rappelle la manifestation anti-austérité du 28 mai. Un peu plus loin, un partisan du RBI accroche des pancartes explicatives à une ficelle avant de venir, à son tour, s’exprimer.
L’agora comme nouvelle forme de participation politique
Au sein de l’assemblée, beaucoup de curieux aussi, qui ne se lancent pas encore au micro. Comme ce quarantenaire venu par curiosité et qui a «envie de changer des choses, sans vraiment savoir comment», ou Camelia et Alexia, deux étudiantes en relations internationales de 19 ans. «Je suis choquée de ce qui se passe en France avec la Loi Travail, je suis venue exprimer ma solidarité. Mais je ne crois pas qu’un mouvement naisse en Suisse. Ici, il y a plus la culture du consensus, de la paix sociale», explique l’une d’elles. Au mégaphone, Nicolas, 16 ans, raconte: «J’ai dit à mes grands-parents que je venais ici, ils n’ont pas compris, ils pensent que le système suisse va bien, que c’est une utopie de jeunesse, ils ont tort!». «Aujourd’hui, on prend aux plus pauvres pour donner aux plus riches, c’est ça le problème», renchérit Christophe, la quarantaine. Matthias, l’un des initiateurs de l’événement sur les réseaux sociaux, confie en aparté: «Je m’intéresse de longue date à l’agora comme nouvelle forme de participation politique. Il s’agissait de recréer cela, que les gens puissent s’approprier l’espace et s’exprimer. Ensuite, on verra si cela se poursuit». Cela dépendra de l’assemblée, pas de lui. «Nous ne sommes pas des organisateurs, mais des facilitateurs», répétera-t-il ainsi, tout au long de la réunion. Au final, rendez-vous est pris le dimanche suivant, 18h. Le lieu sera communiqué sur facebook. A un internaute qui demande, quelques jours plus tard, sur le réseau social, pourquoi le mouvement n’a pas duré toute la nuit, Mireille répond: «A la fin de cette réunion, des volontaires se sont joints aux facilitateurs pour organiser les prochains rassemblements…et peut-être pourrons nous rester toute une nuit quelque part…».
Global Debout contre les multinationales Suite à la mobilisation du 15 mai, NuitDebout a annoncé le lancement d’une campagne internationale sous le nom de NOList. «Le réseau international des Nuit Debout part en guerre contre les multinationales afin de promouvoir des alternatives aux produits des entreprises et marques les plus controversées», annonce le site internet du mouvement. Une plateforme internet liée à la campagne doit être dévoilée le 22 mai. Première entreprise pointée du doigt par le mouvement: Coca Cola, en signe de soutien au mouvement «CocaCola en lucha», qui a regroupé, durant de longs mois, des travailleurs espagnols en lutte contre leur licenciement par la multinationale. Toutes les 2 à 4 semaines, les internautes éliront une nouvelle entreprise à «nolister» (boycotter), tout en proposant des alternatives à ses produits.